Retour sur notre 3ème Café-Débat : « Faites-vous confiance aux médias ? »

Une démocratie réelle implique une information pluraliste et indépendante du pouvoir économique et étatique. Qu’en est-il en France ? Quel est l’état de notre paysage médiatique ? Quelles sont les différentes sources d’information auxquelles nous pouvons avoir accès ? A quels nouvelles menaces la liberté d’information est-elle confrontée ? Quelles sont les alternatives ?

Introduction

Définition : Qu’est ce qu’une information ?

Ce sont des faits portés à la connaissance d’un public en répondant à 3 critères :

  • avoir un intérêt pour le public. Différent de l’anecdote, l’information apporte quelque chose qui concerne le public à qui elle est destinée ;
  • ce n’est pas un avis. Doit être factuelle, s’appuyer sur des faits vérifiables ;
  • et vérifiés. L’information doit être vérifiée. Un des principes du journalisme consiste à ne pas donner une information sans qu’elle ait été vérifiée au préalable, auprès, selon le cas, des personnes directement concernées, de plusieurs témoins, ou d’experts, etc.

L’information, sous quelque définition qu’on la prenne, n’est pas une donnée préalable, et encore moins une chose existant en soi dans le réel : elle est le produit d’une construction intellectuelle et sociale. L’information est le produit d’une construction, où entrent des ressources et des contraintes relevant aussi bien de l’agenda médiatique dans son ensemble et de préoccupations proprement éditoriales que d’opérations de filtrage, de hiérarchisation et d’écriture.

La déontologie du journalisme

2 textes font référence : la Charte de Munich et Charte d’éthique professionnelle des journalistes – révisée en 2011.
Ces textes précisent en préambule, que « le droit à l’information, à la libre expression et à la critique est une des libertés fondamentales de tout être humain » et que « la responsabilité des journalistes vis-à-vis du public prime toute autre responsabilité, en particulier à l’égard de leurs employeurs et des pouvoirs publics ».
Parmi les dix devoirs du journaliste, le respect de la vérité et de la vie privée, l’impératif de ne publier que des informations « dont l’origine est connue » (vérification des faits) ou accompagnées de réserves, l’obligation de « rectifier toute information qui se révèle inexacte », de « ne pas divulguer la source des informations obtenues confidentiellement » et de refuser les pressions comme « les consignes, directes ou indirectes, des annonceurs ».
Parmi les cinq droits cités par ce texte, la possibilité d’avoir un « libre accès à toutes les sources d’information » et d’enquêter « librement » sans se voir opposer le « secret des affaires publiques ou privées », sauf exception clairement justifiée.
Ces règles s’appliquent à la mission du journaliste: devoir d’informer, respect du lecteur, intérêt public, droit de savoir. Les principes : la vérification par les faits, principe de la liberté de l’information et d’expression (s’opposer à toute censure), la protection des sources d’information.

Question n°1 :

Avec l’explosion du nombre de chaînes due à l’arrivée de la TNT en 2005, il existe plus en plus d’émissions de débats (type C dans l’Air, l’Émission politique, On n’est pas couché, 24h Pujadas, BFM Politique), les chaînes d’information en continu se multiplient, les espaces où diffuser de l’information sont toujours plus nombreux, cela permet-il aux gens d’être mieux informés ?

La question de l’indépendance des médias et de leur possession par les plus grandes fortunes nationales.
Exemple de répartition des grands médias entre 8 milliardaires
1. Martin Bouygues = TF1, LCI
2. Xavier Niel =  Le Monde, L’Obs, Courrier International, Atlantico
3. Bernard Arnault (1ère fortune de France) = Les Echos, Le Parisien.
4. Arnaud Lagardère = Paris Match, Europe 1.
5. Serge Dassault = Le Figaro,
6. Vincent Bolloré = Canal +, Direct Matin.
7. Patrick Drahi = Libération, L’Express, SFR, BFM TV, RMC
8. François Pinault = Le Point.

Retrouvez le partage des médias français dans la carte réalisée par le Monde Diplomatique >>>

Le traitement de l’information : Quelles sont les méthodes de traitement de l’info que l’on retrouve régulièrement sur les chaînes de télé ?

  • Les « questions-boulevard » ou questions rhétoriques. Interrogation qui ne requiert pas obligatoirement de réponse, car elle est suggérée directement dans l’énoncé ou à l’avance connue par la personne qui la pose. La question a alors la plupart du temps valeur d’affirmation en dépit de sa tournure souvent négative. Il s’agit d’offrir un boulevard à l’invité, en le laissant déroulé un argumentaire en accord avec l’affirmation contenue dans la question posée ;
  • S’appuyer sur un petit noyau d’invités, « experts » des sujets qui tournent en boucle sur les différents plateaux télé. Un pluralisme des opinions qui peine à s’exprimer. Dernier en date → La série d’Acrimed sur la Réforme de la SNCF avec les titres des grands journaux, les matinales des radios, les débats télévisés qui tous présentent une sympathie à l’égard de la « réforme » qu’elle que soit la forme qu’elle prendra, et une crispation à l’égard du mouvement syndical.
  • Inverser la hiérarchie des news en donnant de l’importance à ce qui n’en a pas « Effet Johnny » et en minimisant voire omettant ce qui en a (CETA, MERCOSUR, etc.) ;
  • Présenter un sujet à partir de postulats de départ jamais interrogés « une dette doit être remboursée », « l’emprunteur est un irresponsable », « en bon père de famille ». ce qui permet de contenir le débat.

Diffusion d’un extrait de la vidéo du Stagirite : Y’en a marre d’être pris en otage ! // début jusqu’à 2:16.

Question n°2 : Comment vous informez-vous ?

Proposition d’un récapitulatif non-exhaustif des médias alternatifs auprès desquels il est possible de s’informer, avec également une petit bibliographie et quelques documentaires.

LIVRES :
La fabrication du consentement, de Noam Chomsky et Edward Herman
Sur la télévision et L’emprise du journalisme, de Pierre Bourdieu
Les nouveaux chiens de garde, de Serge Halimi
Petit cours d’autodéfense intellectuelle, de Normand Baillargeon
Le monde libre, d’Aude Lancelin

FILMS :
Les nouveaux chiens de garde, de Gilles Balbastre
Pas vu, pas pris, de Pierre Carles
Opération Corréa – les ânes ont soif, de Pierre Carles

JOURNAUX  (VERSION WEB OU PAPIER) :
Le Monde Diplomatique
L’Humanité
Alternatives Économiques
Fakir
Politis

SITES D’INFORMATIONS
Médiapart
Le Média
Bastamag
Là-Bas si j’y suis
Reporterre
Les Crises
Le Grand Soir

SITES DE DECRYPTAGE DES MEDIAS
Acrimed
Arrêt sur image

LES CHAÎNES VIDÉOS SUR INTERNET
Osons causer
Le Fil de l’actu
Usul
Le Stagirite
Thinkerview
Polony.tv

Document à télécharger au format pdf >>>>Liste pour café-débat Médias

Perspectives pour les années à venir

Les dangers d’une remise en cause de la neutralité du Web

L’enjeu est double sur cette question :

  • du côté des FAI (Fournisseurs d’accès à Internet)
    Aujourd’hui, les fournisseurs d’accès internet (FAI) sont obligés de considérer tous les services en ligne sans distinction de traitement quelles que soient la source, la destination ou la nature des contenus. Les «tuyaux» par lesquels passent les flux de données sont contrôlés par ces FAI, mais ils sont les mêmes pour tous et aucun contenu n’est considéré comme «prioritaire». La Commission fédérale des communications (FCC) aux Etats-Unis a remis cette règle en cause  en déc 2017. Sa décision autorise théoriquement les FAI à moduler la vitesse de débit internet à leur guise, en fonction du contenu qui passe dans leurs «tuyaux».
    En 2012, Free en pleine négociation avec Google semblait bloquer les publicités sur You Tube et pas Dailymotion.
    Par exemple, Altice, la maison-mère de SFR et Numericable, pourrait décider de privilégier les médias qui lui appartiennent (Libération, L’Express…) au détriment de groupes concurrents, alors discriminés.
  • et également des GAFA [Google Apple Facebook Amazon] :
    Facebook et son fil d’actu ;
    Google et son référencement. Google sait très bien organiser le « détournement » de trafic vers les sites où sont ses intérêts financiers.

La loi en réflexion autour du contrôle des « Fake News »

Voir l’article de Frédéric Lordon sur le sujet : « Macron décodeur-en-chef »

 

Les propositions pour un système médiatique vraiment démocratique

Résumé des propositions faites par Pierre Rimbert dans Le Monde Diplomatique 

1) Faire la distinction entre presse d’information et presse récréative
Presse sous perfusion, en 2013 1,6 Milliard d’aides directes (17% du budget global) très inégal

2) Exigences imposés au médias d’information
Non lucrative
Pas de concentration (1 maxi)
pas de publicité

3) Un service public de l’information destiné à remplacer les aides directe à la presse (1,6  milliard d’€ soit 17% du chiffre d’affaire)
Mutualisation des infrastructures (ligne et papier) : Messagerie, imprimerie, Locaux, administration, informatique, infographie, correcteurs…
Financement par cotisation sociale, caisse gérée par les salariés. Coût : 1,9 Milliard d’€

 

Propositions d’Acrimed par Henri Maler

Il demande la création d’un conseil national des médias composés des salariés (journalistes et autres), des représentants politiques et à plus long terme usagers.

Un tel conseil des médias devrait être dégagé des formes de représentations politiques qui prévalent aujourd’hui et qui aboutissent, au sein de l’actuel CSA, à la prédominance absolue de l’exécutif et des majorités parlementaires qui décident de sa composition. Il devrait être composé d’élus, de professionnels des médias et de porte-voix des publics.

Quel que soit le mode de scrutin retenu pour l’élection des assemblées parlementaires et en particulier de l’Assemblée nationale, la représentation politique au sein du CNM doit être une représentation strictement proportionnelle.
– Quelle que soit la part réservée aux chefs d’entreprises, privées ou publiques, la majorité de la représentation professionnelle doit revenir aux principaux acteurs des médias : les journalistes et les salariés des médias, ainsi que leurs organisations syndicales.
– Quelles que soient les modalités retenues de représentation des usagers, celle-ci doit être effective, même si le risque d’une faible représentativité n’est pas négligeable : leur rôle pourrait être, du moins dans un premier temps, consultatif

Quelles seraient les missions de ce Conseil National des Médias ?
Le CNM aurait pour principaux rôles, sous réserve de précisions sur la répartition entre les pouvoirs effectifs et les fonctions consultatives :

1. La définition des modalités de financement public des médias  : l’allocation des montants de la redevance audiovisuelle ; l’allocation des aides publiques à la presse ; l’allocation des ressources destinées aux médias associatifs. Seul un organisme réellement indépendant permettrait d’en finir avec l’arbitraire politique et l’opacité qui règnent sur ces allocations.

2. Le contrôle de la publicité  : la définition des normes des messages publicitaires ; l’établissement des règles relatives aux conditions de leur diffusion et celles relatives à leur ampleur, de concert avec l’Arpp, qui devra être refondée. La place et le contenu de la publicité dans les médias ne relèvent pas des seuls spécialistes et professionnels de la publicité : ils doivent, pour le moins, faire l’objet d’un débat public.

3. La gestion des moyens publics de production et de diffusion : la répartition des canaux et des fréquences disponibles ; le contrôle de la gestion des moyens publics d’impression ; le contrôle de la transparence des organismes de diffusion de la presse ; la prise en charge des relations avec La Poste et les Télécommunications (dont il faut souhaiter les renationalisations).

4. Le contrôle des mesures d’audience et de diffusion : la redéfinition des organismes d’évaluation de la diffusion et des audiences ; la réévaluation de leurs critères et le développement des enquêtes qualitatives sur les usages des médias, dégagées des présupposés mercantiles de celles, trop rares, qui existent actuellement…

5. Le contrôle du pluralisme médiatique et de la législation sur les concentrations, en particulier par l’instauration d’un droit de saisine des juridictions compétentes en cas de transgression des dispositions législatives.

6. La protection de la liberté sur Internet et de sa neutralité et, en particulier, la mise en œuvre de dispositions qui protègent les droits d’auteur sans recourir à la répression aveugle et absurde qui est le lot de la loi Hadopi.

 

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