Application provisoire du CETA: qu’est-ce que ça implique ?

Article de Frédéric Viale, spécialiste des Traités de libre-échange.

Bonjour,

l’application provisoire du CETA est entrée en vigueur ce 21 septembre. Cette application provisoire a été ouverte par la ratification du texte par le Parlement européen le 15 mars dernier.

L’application provisoire concerne les domaines de l’accord couverts par les compétences de l’Union européenne. Comme vous le savez, il existe plusieurs niveaux de compétences : les compétences exclusives de l’UE, celles des Etats membres et le compétences partagées. L’UE a aussi pour mission d’harmoniser le marché intérieur. C’est par ailleurs à ce titre que la Commission s’autorise à donner des conseils aux EM dans des compétences qui ne sont pas les siennes comme par exemple l’éducation.

Dés lors, nous entrons en zone de relative incertitude qui comporte des zones d’ombres mais aussi des zones de grandes clarté.

Aucune incertitude concernant les compétences exclusives de l’UE : la partie « accès aux marchés » de l’accord entre en application provisoire. Ainsi, tout ce qui concerne les droits de douanes (tarif extérieur de l’UE) entre en application, comme la diminution des droits concernant l’agriculture (98,7% des lignes tarifaires agricoles), mais les autres en général. Cela concerne aussi l’interdiction posée par l’accord d’obstacles au commerce et d’obstacles techniques au commerce (cad. les décisions publiques allant à l’encontre de la libéralisation du commerce).

Aucune incertitude concernant le mécanisme d’arbitrage
, ou ICS. Il n’entre pas en application provisoire.

Plus d’incertitudes en revanche concernant le chapitre explosif de la « coopération réglementaire ». Il concerne les normes. La compétence entre EM et UE se divise par blocs : certaines normes sont prises dans certains secteurs d’activité relevant de la compétence exclusive de l’UE (la PAC). Concernant ces normes, la Commission peut les porter au Forum de coopération réglementaire pour qu’elles soient rapprochées des normes canadiennes. Pour les autres normes, certaines relèvent des EM, d’autres de l’UE mais toutes ou presque sont harmonisées dans le cadre du marché intérieur et donc travaillées par la Commission.

Prenons quelques exemples :

– les OGM : compétence PAC mais cela relève aussi de la compétence phytosanitaire, partagée. On peut compter sur l’activisme de la Commission pour discuter de tout cela dans le FCR ;

– les normes concernant le domaine de la culture (spectacle vivant par exemple) : domaine des EM. Le FCR ne doit pas en connaître. Même chose concernant les normes sociales (mais nous connaissons les orientations données par l’UE en ce domaine et que traduisent aujourd’hui la loi travail XXL);

– protection du consommateur : compétence partagée avec un poids déterminant de l’UE dans la mesure où elle est en charge de l’harmonisation du marché intérieur. On retrouvera donc cela discuté dans le cadre du FCR si les EM ne sont pas extrêmement vigilants (et ils se donnent peu de moyens de l’être). De surcroît, un Etat seul ne peut bloquer la Commission ;

– environnement : compétence partagée, donc la Commission pourra les porter aux FCR pour les mêmes raisons. Prenons l’exemple des énergies renouvelables et les énergies fossiles :  quelle réglementation pour promouvoir les unes et décourager les autres? Aucune ne passerait le capdu FCR qui bannit toute mesure s’approchant de près ou de loin à une intervention publique dans un secteur économique passant par un encouragement ou un découragement d’activité.

Rappelons à toutes fins utiles que l’objectif du FCR est de soutenir la « compétitivité des entreprises ».

Conclusion : nous pouvons dire que cet accord est un accord « vivant » qui permet une attaque d’ampleur non par le biais de l’arbitrage à ce stade (pas effectif avant une ratification de tous les EM) mais par le FCR.

Frédéric VIALE

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